Une jolie perle brillante nait en ce jour froid d’Automne. L’air est très frais et le givre s’est installé depuis peu sur les amas de feuilles brunes qui jonchent le sol. Elle ne crie pas, elle ne pleure pas. D’ailleurs, son corps se fait violet. On laisse quelques secondes passer dans la maison familiale et la sage-femme règle le problème tout en tact et douceur. Le bébé se met alors à pleurer, ses parents tout autant, bien heureux et rassurés de voir et entendre leur petite fille respirer. Voilà la naissance de Guo Ming Zhu.

Sept perles s’étaient ajoutées au long collier de la vie de la brillante. Ses cheveux en natte se retrouvèrent teintés de rouge et son regard perdit son excellente vue quelques instants. Lorsqu’elle les rouvrit, le monde sembla à l’envers. Au départ, il s’agissait d’un beau voyage au Japon ; Ming Zhu, sa mère, son père, aux environs de Kyoto pour découvrir ce pays voisin. Ils avaient loué une voiture pour parcourir les routes nippones librement. Un soir alors qu’ils rentraient à l’hôtel, un orage se mit à gronder et fouetter l’air ainsi que le sol. La pluie battait son plein et la route en était devenue extrêmement glissante. Le père Guo n’avait pas fait attention à l’étroitesse du virage et avait perdu le contrôle du véhicule. Sept ans avait la petite et plus de parents. Le résultat de l’accident se comptait en deux parents morts sur le coup et une enfant blessée et de ce fait, complètement perdue. La petite sortit avec peine de la voiture et eut un joli réflexe, un réflexe héroïque ; celui de chercher de l’aide pour sauver ses parents puisqu’elle ignorait qu’ils n’étaient déjà plus de ce monde. Alors Ming Zhu se mit à courir, tout droit. Au loin, elle aperçut de la lumière. Il fallait sortir du droit chemin, dans tous les sens du terme, pour s’y rendre. Alors elle quitta la route et sombra dans la forêt. Une petite cabane, bien abîmée rayonnait sous la dense pluie. Elle toqua. On ouvrit. Deux hommes en noir se trouvèrent là, le regard étonné et bien soudainement vorace.

- Mère et Père ils sont pas bien ! Vous pouvez m’aider s’il vous plait ! Je veux pas qu’ils rejoignent la Terre d’en haut ! Je les aime ! Mon papa ! Ma maman !

Les deux inconnus croisèrent leur regard. Seulement l’un d’entre eux la comprenait. Elle semblait être chinoise et il connaissait cette langue, elle était bien tombée. Ou plutôt, il était bien tombé.

- Suis-moi.
- Et papa ? Et maman ?
- Ne t’en fais pas pour eux.

Elle ne les revit jamais. Itô Hiroki la recueillit dans sa famille. La grande famille de la mafia japonaise. Il lui offrit son nom et s’en occupa comme une petite princesse, comme sa propre fille. Itô Ming Zhu, bien qu’énormément blessée et souffrante de la mort de ses parents, se sentait bien avec lui. Elle avait trouvé en lui un nouveau père, une personne qui la chérirait jusque la fin des temps.


Quatorze perles au collier, la petite fille était devenue une charmante jeune fille. Le père Itô avait trouvé une nouvelle fille, reléguant la première au rôle de prostituée. Ming Zhu en fut profondément choquée. Elle qui, de ses sept à ses quatorze ans avaient vécu une enfance qui pourrait être qualifiée de normale, se retrouvait soudainement abandonnée par le seul être qui la stabilisait depuis la mort de ses parents. Elle avait une dette envers lui, elle se devait de la lui rembourser. Et le seul moyen que lui ait imposé son père était de vendre son corps. Elle perdit sa fleur à un âge déraisonnable. Et avec cela, elle perdit un bout d’elle-même quelque part dans l’ailleurs. Le sort semblait s’acharner sur elle et savourer cela. Ses clients étaient d’infâmes bureaucrates sans aucune douceur, sans aucune pitié et ils s’amusaient à la déchirer autant de fois que bon leur semblait. Des raclures, des enflures, des vermines à exterminer. Elle n’en avait rencontré qu’un seul, aux environs de ses seize ans, qui fut aimable et doux. Mais rien n’est rose dans la vie de la perle brillante. Il mit Ming Zhu enceinte car ils avaient oublié de se protéger. Le père Itô le tua devant les yeux de la jeune femme d’un coup de revolver dans le crâne et força sa fille à se défaire de l’intrus dans son ventre par avortement. Voilà comment une autre partie d’elle s’en alla et la brisa une fois de plus. La belle n’avait plus personne qui lui offrait affection et amour et ne pourrait donner affection et amour au petit bout qui se formait auparavant dans son ventre.

Et puisque dans toute vie il y a un tournant. Il fallut attendre que la jeune femme ajoute deux perles à son collier.  En effet, il était venu le temps de s’en aller, de vivre pleinement un amour romanesque et merveilleux. Un client chinois l’avait embarqué avec elle dans son pays natal. Ils s’étaient enfuit tous deux par amour. Du moins, c’est ce qu’elle croyait et son cœur brisé avait commencé peu à peu à se recoller tandis que la feuille de son âme reprenait un peu de couleur des prairies fraîches du printemps. L’endroit où il l’avait emmenée était bien aménagé et la brillante avait le droit à sa propre chambre, spacieuse et chaleureuse contrairement à ce que l’on pourrait penser. Pendant deux ans, on l’a formé à devenir une bonne terroriste. C’est-à-dire à mentir comme elle respire – chose qu’elle n’a pas eu de mal à faire puisqu’elle s’était déjà appropriée se genre d’exercice lorsqu’elle était prostituée – et à se camoufler, se fondre dans la masse, changer de comportement vis-à-vis de la personne opposée. On apprécia fortement ses capacités à parler le japonais et les deux langues chinoises en plus du patois Taïwanais et on lui conseilla d’en apprendre d’autres. C’est ainsi que la demoiselle se forma encore au Coréen, au Thaïlandais et à l’Anglais – langue universelle oblige.  

Après deux ans de formation, les supérieurs constatèrent que la demoiselle était instable, que son corps poupon n’était qu’une carapace contenant les quelques secondes qui précédèrent le Bigbang. Bientôt, elle exploserait et dévasterait tout ce qui l’entourerait. On comprit alors qu’il lui fallait de la compagnie en plus de l’homme qui l’avait ramenée à eux. On lui trouva alors sa fonction primaire : celle de s’occuper de certaines jeunes recrues jusqu’à leur majorité. La tâche fut plutôt difficile au début, mais un an plus tard, lorsque sans aucune raison bien définie, son petit ami rompit et que son cœur mourut pour de bon, elle s’enfonça profondément dans sa tâche maternelle. Les nouvelles recrues devinrent ses propres enfants, ceux qu’elle n’avait pas eu à avorter, ceux qu’elle chérirait jusque la fin. Puisque personne l’aimait, Mig Zhu aimerait à leur place. D’une façon démesurée, obsessionnelle, démoniaque. La chute vers la démence avait commencé à se mettre en place.

Bientôt trente perles à son collier, il devient lourd et s’assombrit de jour en jour. Guo Ming Zhu est morte. Itô Ming Zhu s’efface. Bientôt, il ne restera plus rien qu’un amas fou de désespoir.
.

Il y avait autrefois, une belle perle brillante, bien vivante, aux joues rebondies et peintes d’un rose bonbon bien enfantin. La petite parlait et parlait, faisant rire ses parents par la même occasion. Un jour, un beau prince charmant la chercherait sur son beau cheval blanc et l’emmènerait dans son beau château rose ! D’ailleurs, elle rêvait de devenir fleuriste parce qu’elle adorait sentir le parfum des pétales le matin quand elle se réveillait et que son doux regard noisette se portait sur le jardin qui bordait sa maisonnette. Il n’y a jamais rien eu à redire du comportement de la demoiselle avant le fatidique accident qui changea sa vie. Elle demeurait une petite fille joviale, très calme et serviable et en devenir d’une très belle femme. Rien ne laissait présager qu’elle allait virer du tout au tout. A son adolescence, la demoiselle avait gardé quelques uns de ses traits de caractère de l’enfance. Mais elle avait changé de rêve. Devenue mélancolique, docile et effrayée, elle n’aspirait qu’à sortir de ce guêpier et de pouvoir vivre librement.

Désormais, la belle a bien grandit et peut-être pas assez mûrit encore ! La vie l’a bien gâtée et elle se fera un plaisir de lui cracher dessus pour la remercier. Devenue vénale et rancunière, la belle a perdu foi en ce qui s’appelle le rêve et l’ambition. Elle n’a plus de but puisqu’à chaque fois qu’elle s’en fixe un, on l’empêche de le réaliser. Elle n’accepte, tolère et pardonne quasiment plus rien. Son cœur crache une amertume des plus acides et ne sait plus refermer ses plaies. Son regard semblera aux premiers abords complètement froid et vide de toute sensation. Mais il n’en est rien, il est haineux et noir de rage. Colérique, il lui en faut peut pour s’énerver. De plus, il lui arrive de devenir une proie face à des crises de démence bien joyeuse. Elle devient folle et sa violence n’aide rien. Possessive et jalouse, une fois son dévolu jeté sur vos, vous n’échapperez pas à ses griffes. On l’a retenue toute sa vie, pourquoi se priverait-elle ? Mélancolique, elle se rêve bien souvent d’autres vies. Enfin ajoutons un défaut qui ne peut ne pas en être. Ming Zhu se retrouve être une belle comédienne. Elle a appris à jouer lorsqu’on la prenait sauvagement dans sa jeunesse et elle n’a jamais vraiment perdu ce don.

Mais même si elle fait partie du groupe terroriste, même si la folie la guette et même si elle se vide peu à peu d’humanité, il lui reste des qualités qui font qu’elle est ce qu’elle est : une bonne mère. Avide d’affection, elle ne rechignera jamais à vous offrir un câlin, un bisou, bien plus. Cela fait d’elle une personne bien tactile. Coquette, elle aime être et se sentir belle. Son corps reste sa seule photo de sa mère et elle compte bien le choyer. Séductrice, elle saura se magnifier pour plaire à un homme. Mais pour être une bonne mère, être belle ne suffit pas. Ming Zhu se retrouve être une femme qui aime apprendre et lire, depuis son plus jeune âge. Depuis qu’elle a son petit quartier chez les terroristes, la voilà qui s’était faite une petite bibliothèque entourée d’ornements florales à souhait. Il s’avère aussi qu’elle est très protectrice avec les personnes qu’elle apprécie et qu’elle leur est loyale et fidèle – même si au final, elle n’aimerait vraiment pas être comme ça. Les nouvelles recrues sont ses enfants, elle les considère comme telle même si parfois cela peut virer à l’obsession voire à plus que de l’amour maternelle mais bien à un amour plus intime.

Bien que certaines personnes la connaissent assez bien et le savent par conséquent, Ming Zhu frôle parfois la folie et peut se retrouver en proie à des crises de démence. Elle fait preuve d'un manque d'affection constant et s'en retrouve excessivement possessive et froide. Tout cela provient du fait qu'on l'a abandonné trois fois ( une fois ses parents, puis le père Itô et son petit ami terroriste avec qui elle peut être amenée à travailler encore à l'heure d'aujourd'hui) mais surtout du fait qu'elle ait été obligée d'avorter d'un enfant auquel elle aurait voulu donner vie et amour.