Vingt-trois heures passées. Ga Ram était debout derrière le comptoir depuis trois bonnes heures. Bien que la fatigue commence à se faire sentir, le jeune homme ne relâchait pas son attention. Rester disponible pour la clientèle, enchaîner la composition de cocktails en tous genres, offrir des sourires à quiconque lui semblait assez agréable... La routine, en somme. Il avait beau travailler ici depuis plusieurs mois, il ne se lassait pourtant toujours pas de cette profession de couverture. C'en était presque à croire qu'il s'était découvert une vocation toute autre que celle de voir l'étendue des dégâts des explosifs.

La clochette d'entrée du bar tinte. Occupé à encaisser la somme due d'un client, le barman ne relève pas immédiatement la tête. Pourtant, quand il finit par porter le regard sur le client qui venait d'entrer dans l'établissement, il reconnaît immédiatement le visage de l'individu... Qu'il n'avait pas vu depuis un bon moment, lui semble t-il. Sans se donner la peine d'attendre, Ga Ram se dirige vers le client sitôt est-il installé au comptoir.

« Bonsoir Ryo. » salue t-il d'une voix presque mielleuse, un sourire pourtant franchement amusé et amène aux lèvres. « Ça faisait longtemps que je t'avais vu dans le coin. » constate t-il. Oui, vraiment longtemps. Mais en dépit de l'eau qui avait coulé sur les ponts depuis leur dernière rencontre, Ga Ram était prêt à y mettre sa main à couper ; leur « rivalité » vis-à-vis de Soo Mee ne tarderait probablement à être mise sur la table. Mais en attendant... « Qu'est ce que je te sers ? »

Cela faisait quelques temps que Ryo n'avait plus décompresser. Crouler sous le boulot n'était pas forcément sa tasse de thé. Cette guerre quasiment officielle, déclarée certes mais pas encore active dans les journaux, l'était bien dans les bureaux de la mafia. Pas une seule seconde répit, on arrivait même à le déranger en pleine nuit. Il aurait bien aimé voir Ayane ou Soo Mee mais le temps en avait décidé autrement, il se faisait tard et franchement pour la seule pause qu'il pouvait s'octroyer en ce moment, il n'avait pas envie de s'ennuyer avec des femmes qui le tournent en bourrique. C'est ainsi qu'il se retrouva dans ce fameux bar, là où travaille Ga Ram. Assis au comptoir, Ryo attend que ce dernier daigne s'intéresser au client qu'il était. Celui-ci semblait franchement content de retrouver le mafieux au comptoir, la taquinerie était-elle de mise ce soir? Le plus vieux lui offrit un sourire fatigué et répondit. « Le boulot, que veux-tu, en ce moment y en a beaucoup. » Le mafieux l'observa, c'était étrange, sûrement qu'il ne l'avait pas vu depuis trop longtemps, voilà pourquoi il était perturbé. « Comme d'habitude. » Soit vodka caramel. Il soupira et se craqua la nuque. « Y a toujours des gens qui viennent boire un coups en temps de guerre? Doit y avoir que des brigadiers.. » Allusions à une certaine brigadière? Certainement.

C'est un sourire fatigué qui est offert à Ga Ram en guise de réponse, avant que Ryo ne prenne la parole. Apparemment, lui même croulait sous le travail... Le barman opine, ne pouvant que partager son point de vue. Derrière son comptoir, ça allait, même si certaines soirées étaient rudes. Mais sitôt se rendait-il au QG des terroristes, il pouvait être certains que les missions et les ordres fusaient... A se demander comment il arrivait à combiner ces deux emplois du temps sans rendre l'âme à cause de la fatigue. Ga Ram n'attend pas plus quand la commande est passée, saisissant le nécessaire pour concocter la commande de Ryo. Un petit verre rempli du liquide brun est bientôt déposé devant le client, qui s'étonne que le bar n'ait pas encore passé clef sous la porte en temps de guerre. Un petit sourire amusé étire les lèvres de l'employé quand son vis-à-vis fait allusion aux brigadiers. « Les gens oublient leurs problèmes comme ils peuvent. » commence t-il en rangeant la bouteille à sa place, avant de revenir devant Ryo, le dos bien droit. « Pour les brigadiers... On n'en voit plus très souvent, ces temps-ci. Ils doivent être fatigués des frasques des terroristes. » explique t-il. « Même Soo Mee ne vient plus. D'ailleurs, tu as eut de ses nouvelles ces derniers temps ? » interroge t-il, retenant tant bien que mal un sourire moqueur.

Une petite inclinaison de la tête pour le remercier, Ryo prit son verre en main et en but quelques gorgées avant de soupirer sans classe aucune, se fichant pas mal de l'image qu'il pouvait dégager ce soir-là. Vraiment, il était épuisé. Il observait le bar dans sa globalité avant de hausser les épaules. Ga Ram avait raison, quoi de mieux pour oublier que de boire? Il soupira rien qu'en entendant le nom des terroristes. « On ne peut pas dire qu'ils sont pas actifs ceux-là. La prochaine fois ils font péter quoi? » Voilà, le prénom de Soo Mee est apparu dans la conversation. La rivalité entre les deux jeunes hommes concernant la jeune femme était bien connue. Il sourit soudainement, d'un air fier et fini en quelques gorgées son élixir caramel. Il se redressa fièrement, se calant mieux contre son tabouret. « On s'est rencontré y a quelques temps dans un bar et... Elle m'a embrassé. » Tellement fier, c'est limite s'il n'allait pas se la jouer à la loréal et balancer ses cheveux de gauche à droite. « Et toi? »

« Vas savoir... » sont les seuls mots qui sortent de la bouche de Ga Ram, quand le sujet des terroristes est mis sur la table. Un air volontairement sombre se peint sur son visage pendant quelques secondes, tandis qu'il s'applique à essuyer des verres.

Très rapidement, la corde sensible est abordée : Soo Mee. Quand Ryo annonce qu'il l'avait recroisé il y a de cela quelques temps, le jeune homme relève la tête, curieux. Non sans s'arrêter d'essuyer les verres, il écoute et... S'interrompt soudainement. « Oh... » commente t-il en haussant les sourcils, malgré tout très surpris par cet aveux. Fier comme un paon, le client se pavane un cours instant sous l’œil amusé du barman, qui essaye malgré tout d'en savoir plus ; « Et... ? »

La question lui est alors retournée. Le nord-Coréen hausse mollement les épaules. « Ma foi. » commence t-il, pas nécessairement très enjoué, en baissant le regard sur les verres qu'il empile à côté de lui. Il continue à tourner autour du pot, attrape un nouveau verre dans lequel il verse une dose de vodka caramel. « Quand j'ai quitté son lit ce matin, elle allait plutôt bien. » dit-il en déposant le verre rempli devant Ryo, tout en lui adressant un sourire moqueur.

Oui, allons savoir ce que préparaient ces dingues. Après, Ryo n'en avait pas vraiment quelque chose à faire tant que cela ne touchait ni à ses affaires ni à ses proches. Pour l'instant la Mafia s'en tirait bien à jouer entre les deux camps. Les coffres forts se remplissaient bien, les mafiosos avaient enfin un peu plus de boulot et Ryo lui, croulait sous le boulot et bien sûr, ça ne l'enchantait pas. Néanmoins, s'il arrivait à rendre fier ne serait-ce qu'une seule minute le géniteur et son grand-frère, il en serait bien content. Pourquoi Ga Ram avait-il parlé de la brigadière? Certes, il avait été fier de lui raconter leur baiser mais après, rien de cool ne s'était passé. « Et... ? Et elle a dû partir pour le boulot.» Néanmoins, il était certain que si elle n'avait pas eu d'empêchement, aisément il aurait pu la faire grimper aux rideaux. Fier comme un étalon il continue à sourire d'un air bête avant de ravaler rapidement sa façade et de pâlir à vue d’œil. « Oh l'enfoiré... Tu l'as vraiment eue? » Ayant du mal à y croire, il but cul-sec son verre, essayant tant bien que mal de digérer cette nouvelle. Non mais il était sérieux? Et elle aussi? « Tu mens pas? Vrai de vrai? Tu te fous pas d'ma gueule? Baratineur! » Non, c'était certain, il ne voulait pas y croire.

Elle avait dû repartir au travail. La lose. Tout du moins, pour Ryo ! Pouvoir toucher son but du bout des doigts sans pouvoir le saisir à pleine poigne. Que de frustration. Ga Ram, lui, ne pouvait que se faire un malin plaisir d’exhiber sa réussite : ce qu’il ne tarde d’ailleurs pas à faire. A cette annonce, le Japonais saisit son verre et le vide d’un trait, sans plus attendre. Dure réalité à entendre, hein ? Un sourire satisfait reste figé sur les lèvres du barman, tandis qu’il précise : « On est ensemble. » Ryo ne semble néanmoins pas l’entendre de cette oreille : la preuve en est qu’il nie en bloc. « Tu penses pas que j’ai passé l’âge de baratiner sur ce genre de choses ? » demande-t-il en haussant les sourcils, la tête légèrement penchée sur le côté. « J’ai des preuves à l’appui, si tu veux. » ajoute-t-il, en sortant son téléphone portable personnel, qu’il pose sur le comptoir. Un simple coup d’œil du côté de sa messagerie suffirait probablement à convaincre son vis-à-vis. Néanmoins, cette rapide anecdote à laquelle Ryo avait fait allusion lui avait mis la puce à l’oreille. « Mais dis-moi… Ça s’est passé quand, cette vague histoire entre toi et Soo Mee ? Qui sait, tu m’as peut-être devancé ! »

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