Était-ce le destin ou le manque de chance qui avait conduit ce petit garçon dans les bras d'une vieille japonaise? Alors que le nourrisson dormait profondément sur un fauteuil, l'aïeule tentait de déchiffrer les quelques hangeul écrits sur un bout de papier qui avait accompagné l'enfant : « Choi Tae Min, né à St Mary's Hospital à Seoul, le 8 janvier 1989 ». Bien sûr, ses efforts furent vains. La vieille nippone ignorait toujours comment le bébé avait fini dans son immense jardin au milieu de nulle part, mais il était évident qu'elle n'allait pas le garder.

Du moins, c'était ce qu'elle croyait, car sans voisin, ni réseau ou moyen de locomotion, la vieille dame était livrée à elle-même. Ses uniques échanges sociaux s'effectuaient tous les samedis matin avec le marchand ambulant qui lui vendait de quoi vivre. Pourtant, chaque occasion de lui parler de l'enfant, chaque pas vers une liberté recyclée se mourraient dans l'oubli dû à une mémoire lacunaire. Évidemment, l'enfant ne bronchait jamais et les sens de la vieille s'affaiblissaient de plus en plus. Le bébé était comme une poupée oubliée au fond d'un placard. Pourtant, elle pensait toujours à lui donner à manger, car la mort qui pesait sous les petites épaules du garçon la hantait constamment. Elle détestait s'en occuper, mais d'une manière inexplicable, elle ne pouvait pas s'en débarrasser.

Les jours, les semaines, les mois et même les années passèrent. Le gamin s'appelait désormais Hideto. Toriiwaa Hideto. La vieille s'y était tellement attachée, qu'en plus de lui donner un prénom, elle lui partageait son nom de famille, son patrimoine. À sept ans, le garçon était sage et très souriant. Il s'amusait tous les jours autour d'un étang où il rencontrait divers insectes, et petits animaux errants. En fin de journée, il revenait tout trempé et s'écriait dans la maison : « C'est dans la boîte! ». Intriguée et à la fois agacée qu'il revienne systématiquement sale et mouillé, la retraitée lui demandait toujours ce qu'il y avait dans ce fameux coffre qu'elle lui avait donné. D'un air innocent, le gosse répondait tout le temps : « Des cadeaux! ».

Quel genre de cadeaux? Un jour où une envie de se promener lui chatouillait les jambes, la vieille partit se balader. Il était relativement tôt dans la matinée et Hideto était encore couché. Elle n'avait pas peur de le laisser seul, car elle savait que rien ne pouvait lui arriver. Puis, par inadvertance, elle se rendit à l'étang où jouait si souvent le gamin. Elle fit quelques pas avant de se rendre compte que l'on était Samedi et que, par conséquent, le marchand allait passer. Elle rebroussa chemin et manqua de trébucher sur un objet qui traînait par terre. C'était le coffre. Non sans peine, elle se baissa et constata avec amusement qu'il n'y avait aucun cadenas qui dissuaderait les plus curieux de l'ouvrir. Amusée, elle pensa que les enfants n'étaient vraiment pas minutieux pour un sous. En ouvrant le coffre, elle comprit qu'elle ne s'était jamais aussi bien trompée.

Une odeur pestilentielle, suivie d'une vision d'horreur lui glaça le sang et lui coupa le souffle. Quelques secondes après, elle détourna sa tête et la pencha vers le sol pour rendre un petit-déjeuner qu'elle n'avait pas encore pris. Au-dessus de la pile de ces fameux "cadeaux", il y avait une patte de chat, une tête de rat, des cadavres d'araignées recroquevillées, un oiseau éventré et un poisson à qui on avait arraché les yeux. Tout ça baignait dans du sang qui semblait avoir macéré durant quelques semaines. Voilà pourquoi il rentrait tous les soirs trempé et plein de taches... Elle qui croyait que c'était de la boue qui salissait ses vêtements! Comment aurait-elle pu différencier de la boue et du sang avec une vision qui lui faisait défaut? Comment aurait-elle pu croire qu'un enfant aussi sage pouvait commettre de telles atrocités?

Avant que la folie ne s'empare d'elle, la vieille décida de rentrer le plus vite qu'elle pouvait. Elle était presque arrivée lorsqu'elle entendit un cri : c'était le marchand qui repartait en toute hâte. Lorsqu'elle atteignit le seuil, elle vit Hideto, faisant la moue, un couteau de cuisine à la main.

« Je pensais qu'il voulait jouer moi ». Puis il rangea le couteau et revint. Pétrifiée, la vieille dame lâcha désespérément les mots « coffre » et « oiseau »... Le petit haussa les épaules.

« Ils voulaient toujours partir... Je voulais juste les garder avec moi pour toujours. » Il éclata en sanglots : « Tout le monde me fuit! Pourquoi tout le monde veut partir loin de moi? POURQUOI TOUT LE MONDE M'ABANDONNE??? » Alors qu'il essuyait ses yeux, il murmurait plusieurs fois « Personne ne m'aime... ». La vieille s'agenouilla près de lui et, en essuyant tendrement ses larmes, elle lui disait que si, elle l'aimait. L'enfant leva alors ses yeux et lui lança un regard meurtrier.

« Tu n'as pas vu que j'étais triste... », murmura-t-il en dirigeant ses pouces vers les yeux de la vieille.

Pendant ce temps, un jeune coréen de même pas vingt ans venait tout juste d'arriver en face de la maison. Il avait eu vent du gamin grâce au marchand qui avait vite répandu la nouvelle. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour parvenir jusqu'en ces lieux. Alors qu'il s'approchait un peu plus, l'adolescent entendit une voix stridente et menaçante crier « MENTEUSE!!! », des bruits de pas précipités, des supplications d'une vieille femme puis... Plus rien. Lorsqu'il entra dans la demeure, une femme très âgée gisait à même le sol, ses yeux écrasés laissaient du sang couler sur son visage, tandis qu'un énorme couteau était enfoncé das sa poitrine. Au coin de la pièce, un enfant tremblait de tout son corps et riait, sa tête était enfouie dans ses petites mains ensanglantées.

L'inconnu s'agenouilla près du cadavre et remarqua qu'un morceau de papier dépassait maladroitement d'une des poches de la veste. Sans éprouver une once de dégoût, ni même de pitié, il s'en empara et le lit : « Choi Tae Min, né à St Mary's Hospital à Seoul, le 8 janvier 1989 ». Sa main se mit à trembler.

« Eh gamin, c'est quoi ton nom? », demanda-t-il profondément troublé.

« Toriiwa Hideto... ».

Un étrange frisson parcourut tout les membres du jeune homme.

« Viens avec moi. Tu pourras t'amuser autant de fois que tu veux. »

Dès lors, Hideto avait rejoint une bande de terroristes. Il considérait le coréen comme son grand frère et prenait de plus en plus de plaisir à grandir à ses côtés. Il avait désormais 24 ans. Il était devenu aussi beau qu'un faux espoir, mais tout aussi perfide que cette lueur qui te guidait un instant puis te plongeait à nouveau dans les ténèbres. À présent, il ne souriait que lorsqu'il torturait des malheureux qui croisaient sa route. Il lui arrivait parfois de repenser à la vieille dont il n'avait jamais connu le nom. L'unique souvenir heureux qu'il avait d'elle était celui où il avait pu admirer ses yeux s'enfoncer dans son crâne alors que son sang coulait de ses joues. Elle lui avait semblé plus belle et sereine dans sa mort, de toute manière.

Si vous avez l'immense honneur de croiser Hideto un jour, il vous partagera sa souffrance avec plaisir.

Hideto n'aime pas les tissus de mensonges et il ne fait pas partie de ces entités qui tissent les fils de votre destinée. En tisserand sadique, la toile qu'il noue vous emprisonnera dans une souffrance qui sera votre unique linceul. Le jeune homme n'aime pas franchement tuer. Après tout, sa passion n'est pas de délivrer les âmes torturées. Son péché mignon réside davantage dans la torture, quelle soit physique ou mentale. Les cris, les supplications, les larmes et le sang qui coulent en un flot de désespoir le plongent dans une délectation hors norme. Pourquoi aime-t-il autant répandre le mal et la tristesse autour de lui? Et bien, c'est tellement plus amusant et simple de détruire que de réparer. Et lui aussi a été détruit.

Hideto est un malade, il ne veut pas qu'on le soigne et encore moins qu'on ait pitié de lui. D'ailleurs, sa principale qualité est de cacher ses sentiments. Il ne fait pas croire à autrui qu'il est d'une toute autre humeur, non. Je vous ai déjà dit qu'il n'aimait pas les bobards. De toute manière, il parle très peu... Le jeune homme est également très doué dans l'art de la persuasion. Tous les moyens sont bons pour gagner : user de son charme, torturer jusqu'à ce que la douleur ait atteint son paroxysme, etc. Son mental est aussi agile que son physique, donc peu importe la situation, il saura toujours se débrouiller. Rien ne lui fait peur, ni le répugne, ni l'arrête. Hideto est une tête brûlée qui agit parfois son penser aux conséquences... Mais moins ça va, mieux c'est!

Je vous ai dit qu'il détestait les mensonges... Mais regardez-le! Grand, beau, fier comme un paon, sûr de lui et ténébreux... Même sa voix mielleuse promet une compagnie plus qu'agréable. Et pourtant, sous ses magnifiques airs tragiques se cache une ignominie sans pareil. Comme quoi, sa beauté n'a d'égal que sa cruauté. Vous l'aurez compris, Hideto est -malgré lui- l'allégorie du mensonge, de cette promesse qui, au moment où tu peux enfin l'étreindre se transforme en une immense gueule aux crocs acérés. Il est très égoïste. Quoi, vous pensiez que partager de la douleur, et même en donner en veux-tu en voilà était une preuve de générosité? Évidemment que non. Vous n'êtes pas sots.

Sinon, Hideto est très docile. Il ne discute jamais aucun ordre et généralement fait du très bon travail. Néanmoins, on ne peut nier le fait qu'une autorité quasi naturelle se dégage de lui. Il ne se rebelle pas contre les membres de son groupe, et ces derniers savent qu'il ne faut pas non plus le prendre pour un imbécile, ni user de ses talents comme bon leur semble. Parfois, ses aînés le laissent même accomplir certaines tâches en solitaire. Tout le monde a confiance en lui, grâce à son honnêteté d'une part, mais aussi parce qu'il connaît les sens des mots « fidélité » et « loyauté ».

Il n'est pas si terrible que ça finalement nan? NAN? Bon ben vous verrez.

► Il a conservé le coffre dans lequel il y mettait ses « jouets ». Il l'a simplement fermé à l'aide d'un cadenas afin que personne ne puisse lui dérober ses trésors. Il ne l'a jamais réouvert depuis ses sept ans...

► L'homme qui a recruté Hideto lui a appris qu'il s'appelait en réalité Choi Tae Min. Ce dernier a quand même décidé de garder son identité japonaise, car malgré le fait qu'il ait détesté la vieille pour avoir voulu se débarrasser de lui au tout début, il lui doit la vie.

► Son recruteur répond au nom de Choi Dak-Ho. Bien que Choi soit un nom de famille répandu, Hideto soupçonne une quelconque relation familiale avec ce dernier, étant donné leur complicité affligeante.